Ce fut le 18e festival Chant’Appart
par Gérard Pignon (« modeste bénévole de Chant’Appart »)
Dimanche après-midi, à la Roche-sur-Yon en Vendée, une petite salle près d’un hypermarché fermé, un quartier désert avant que tout ne s’anime par250 personnes qui s’entassent pour le final du festival Chant’Appart 2012. Créé en son temps par Bernard et Dany Keryhuel, le flambeau a été repris par Christian Gervais et une équipe d’une trentaine de fous ou de passionnés (à chacun de choisir)…
Hier, donc, le dernier jour du 18ème festival Chant’Appart. Un final en fête avec Jeanne Plante, Flow, Jehan, Thierry Chazelle et Lily Cros, Zama, les Delfes et Claire Danlalune. Un point final (avant l’année prochaine) à deux mois de chansons dans tous les coins et recoins des Pays de la Loire : des spectacles dans des salons et des garages, dans des châteaux et des hôpitaux, des lycées, des structures pour personnes handicapées, des maisons de retraites… Partout où la chanson peut s’insinuer, s’immiscer. Deux mois de découverte ou de re-découverte, de communion avec un public qu’on ignore souvent. Des artistes qui se rencontrent, qui rencontrent ces accueillants qui ouvrent leur maison, qui rencontrent des spectateurs, des spectateurs qui se rencontrent au buffet convivial de fin de concert. Bref, deux mois de rencontres (c’est le maitre mot) dans 85 lieux avec, cette année, 24 groupes et artistes, plus de 130 concerts (en général deux par lieux) et près de 8000 spectateurs.
C’est de là, de ces coins de province, par tous les bénévoles de l’Hexagone, de cette France qu’on dit d’en-bas quand on n’y est pas, que la chanson, la vraie, peut vivre.
Le programme et les artistes de 2012 sont sur http://www.chantappart.fr/p/les-artistes-du-festival-2012.html . On y trouvera des habitués de ce blog. Le programme de 2013 est déjà sur les rails…
En vidéo, un intéressant reportage de TV Vendée qui vous présente, mieux qu’un long discours, ce que sont les Chant’Appart :
Flow, tout craché
Flow, 3 novembre 2011, Les Oreilles en pointe, salle Dorian à Fraisses,
C’est presque en régionale de l’étape que Flow, native de Montbrison (l’antre de Mickey 3d) est venue. Si, dans une semaine, elle sera de nouveau sur le coin, au Zénith, en première partie de et choisie par Yannick Noah, c’est dans la salle plus intimiste de Fraisses – intimiste mais bondée comme rarement – qu’elle ouvre ces Oreilles en pointe, 21e du nom. « Nul n’est prophète en son pays » lance-t’elle à l’assistance avant la première note, avant de faire chanter le public, là, tout de suite : « Une souris verte / Qui courait dans l’herbe / Je l’attrape… » Drôle de début, continuons. « Approchez messieurs dames / Venez voir les cracheurs de flammes ! » La dégaine de Flow est toujours la même, sweet à capuche et casquette, comme un gosse de banlieue, mais look qu’on dirait redessiné par Pratt : il y a manifestement du Corto Maltese dans l’allure de la chanteuse.
Une rauque, pas rock, même si l’esprit y est. Flow, ce n’est pas un filet de voix qui rend joli le moindre vers. Elle, elle charrie des cailloux, de la lave, des pierres ponces et de la rocaille. Elle rudoie les mots et cogne les sentiments : ça étincelle. Elle virevolte et valse, comme un pivot de la chanson populaire, celle du peuple.
De la reporter photographe qu’elle fut toute une décennie, Florence a gardé le sens de l’image, et plus encore du portrait. C’est de l’émulsion sensible, qui plus est en plans serrés. Portraits certes, caricatures aussi parfois, comme cette Poufiasse (« Pas de chansons féministes, ce soir » dit’elle « bien que je sois une fille ») aux pixels acerbes. Et toujours ce grain de voix, qui charrie une terrible émotion, et ce stress permanent… « Pourquoi ce côté énervé ? Pour nos enfants ! » avoue-t-elle : « Ça se donne, ça ne s’achète pas / Le sourire d’un môme. » Enervée comme le poing de son pote. Sans jamais prononcer le nom de Leprest, en évitant les larmes, elle nous en parle : « Même pas mal, même pas peur / T’as pris le grand ascenseur (…) Mais dis-moi, mec, à c’t’heure / Qui arrosera les fleurs ? » Et lui dédie avec pudeur un autre titre.
Flow, c’est ça. Des flots de tendresses, des vagues de colères, un amour de l’humain et des marées de révoltes. Avec Melissmell, l’une en blanc, l’autre en noir, jeu de dames, duo d’amies : « Aux larmes, citoyen / Formez-vous en peloton… »
Les bras toujours grand écartés, comme si elle voulait rassembler à elle toute l’humanité. C’est elle, ça, tout craché.