Pas de timbre pour Ferrat !
Fallait sans doute pas en espérer plus. La Poste a sorti à l’automne dernier une nouvelle planche de six timbres consacrés à la chanson. Six artistes décédés tant il est vrai qu’on ne sort pas en France de timbres sur des personnages encore vivants (l’exception existe cependant par les id-timbres – lire l’article consacré au scandaleux cas Hallyday –). La moisson 2011 (ce bloc est sorti en guichets le 15 octobre dernier) s’étale sur vingt-cinq ans (de la mort de Daniel Balavoine le 14 janvier 1986 à celle de Colette Renard le 6 octobre 2010) : Bécaud, Nougaro, Salvador, Balavoine, Reggiani et… Renard donc, comme pour faire bonne figure, pour y mettre une touche de féminin. La Poste innove rarement, ne précède aucune mutation, n’impulse aucune révolution. On ne va chercher que les plus célèbres, la crème du médiatique, pour les timbrer, les denteller, les oblitérer. Si Renard est là, c’est qu’il manquait de femmes ou que… Car si c’est bien l’alibi médiatique qui est retenu, notons l’absence singulière et inexplicable de Jean Ferrat, mort en mars 2010, un des plus grands de la chanson française ou je me trompe de beaucoup. Pourquoi cette absence ? Les étiquettés « rouge » n’auraient-ils pas le droit de remplir les classeurs de timbres, eux-aussi ? Faut-il élire Mélenchon pour que ce regrettable oubli (en est-ce un vraiment ?) soit réparé ?
Pas de Ricet Barrier ni d’Allain Leprest non plus, la règle postale voulant qu’on n’édite pas de timbre moins d’un an après le trépas de la célébrité (pour autant, qui peut croire qu’un jour ces deux-là seront aussi timbrés ?). Et c’est sur ce délai d’un an que se pose une question. Alors qu’il a fallu un quart de siècle à Daniel Balavoine pour avoir un timbre à son effigie, le délai de canonisation fut plus court pour Colette Renard : un an et neuf jours ! (il faut avoir été Président de la République pour bénéficier d’un tel et si court délai…). Aurait-on vite timbré la Renard pour ne surtout pas avoir à imprimer un timbre Ferrat que ça ne serait pas plus étonnant que ça. Il vaut mieux célébrer la brillante interprète des Nuits d’une demoiselle dont le souvenir, même de son vivant, s’est depuis longtemps estompé (on ne le connaissait plus, ces dernières années, que comme actrice de séries télé), que le chanteur communiste de Nuit et brouillard, La montagne et Ma France dont la disparition fut ressentie par le peuple presque comme un deuil national.
A ce jour, et sauf omission de ma part, ont déjà été célébrés par le timbre : Aristide Bruant, Maurice Chevalier, Tino Rossi, Edith Piaf, Jacques Brel et Georges Brassens en 1990 ; Yvonne Printemps, Fernandel, Joséphine Baker, Bourvil, Yves Montand et Coluche en 1994 ; Claude François, Dalida, Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Michel Berger et Barbara en 2001. Ni Mano Solo, ni Alain Bashung ni quelques défunts artistes du même tonneau : La Poste est d’une frilosité et d’un conservatisme extrêmes dans ses choix… Extrêmes et, j’y reviens, étrangement sélectifs.
Sur ce mp3, on écoutera la chanson « Ma philatélie » d’Alexandre Révérend, 1982 (merci Alain A. Pauwels !) : http://areverend.free.fr/lesite/mp3/3b.mp3
Putain de toi !
Ainsi donc, Roselyne Bachelot, ministre de la solidarité et des cohésions sociales, veut taxer quiconque va aux putes, punir les clients et vider leurs bourses (proposition de loi visant à pénaliser les « clients de prostituées » d’une lourde peine s’inspirant du « modèle suédois », c’est à dire une amende plus six mois de prison). Ben voyons ! Je me dis naïvement que si le métier de prostituée est le plus vieux métier du monde, c’est qu’il doit forcément avoir une utilité quelconque, de régulation sociale, de soupape de sécurité, d’hygiène publique aussi. Qu’importe ! Des fois que la démagogie puisse payer électoralement… Qu’importe si, une fois de plus, le petit paiera. Car c’est plutôt l’immigré loin de sa famille qui sera touché, pas vraiment l’homme d’affaires aux bras d’une escort-girl, ni Ribéry dans la couche de Zahia… Faut pas confondre putes des bas-fonds et prostituées de luxe, RMI et Cac 40, camionnette pourrie et suite à l’hôtel Hilton…
Petite anthologie chanson sur cette intéressante et inépuisable thématique…« Et c’est là, bêtement, dans cette chambre obscure,
Cette chambre sans joie, sans fleurs aux rideaux,
C’est là qu’j’ai reçu ma première blessure,
Laissé mon enfance au porte-manteau
(…)
Mademoiselle de déshonneur
Mon premier amour d’un quart d’heure »
Ma demoiselle de déshonneur – Joe Dassin
« Elle n’a pas le choix
C’est comme ça
C’est la vie
Qui veut ça…
Elle attendait
Le premier
Qui saurait
La tirer…
De ce mauvais pas…
Et dans ces bras
Elle oublie
Que ça ne va pas…
Elle est au bord d’elle
Elle est au bordel…
Au bord des larmes… »
Le bordel – La Mine de Rien
« La conn’rie qu’on a faite en verrouillant les claques,
En balançant du coup tout’s les souris dehors !
Ça méritait d’autor un’ volée d’pair’s de claques,
Mais, comm’ disait papa, tous les cons sont pas morts,
Voilà des pauv’s gamines qui vivaient en famille,
Qui r’cevaient vaill’ que vaille un peu d’éducation
Et qui sont désormais sans soutien, les pauv’s filles.
La conn’rie qu’on a faite en fermant les boxons ! »
Le regret des bordels – Bernard Dimey
« En une et mille nuits, réduits au chronomètre
A un quart d’heure d’orgie, l’ange naît de la bête
La glace de l’armoire et les miroirs pervers
Aux quatre coins du lit font l’amour à l’envers.
Le travail terminé, elle s’en va la belle
Tirant le coffre-fort de sa croupe en sillage
On ne saura jamais comment elle s’appelle
On n’a même pas osé lui dire : Merci madame »
Les prostituées – Mouloudji
« Posée comme une contrebasse
Dans les bras d’un artiste,
Elle avait l’air de faire des passes
Dans une chanson réaliste
(…)
Passionnément nous y pensions
A la P… points de suspension
Qu’elle était bien !
Qu’elle était bien !
La putain… »
La putain – Serge Reggiani
« Je suis une pute
Si mon papa savait, je crois qu’il me tuerait
Il défoncerait ma petite figure
Chéri, faisons ça dans ta voiture
Si maman savait, je crois qu’elle en mourrait
Son petit bébé…
Chéri, c’est d’abord qu’on paie »
Je suis une pute – Cali
« Quand je fais l’amour
Je me dis qu’on n’a pas changé les draps depuis longtemps déjà
Quand je fais l’amour
Je me demande ce que font les autres pendant ce temps-là
Quand je fais l’amour
Je pense à ma femme et comment on était beau autrefois
Quand je fais l’amour
J’espère que ça coûtera moins cher que la dernière fois »
Quand je fais la chose – Christophe Miossec
« Moi j’aurais bien aimé un peu plus de tendresse
Ou alors un sourire ou bien avoir le temps
Mais au suivant au suivant
Ce ne fut pas Waterloo mais ce ne fut pas Arcole
Ce fut l’heure où l’on regrette d’avoir manqué l’école
Au suivant au suivant »
Au suivant– Jacques Brel
« Va rejoindre ta femme, maintenant
Que t’as eu ton plaisir
Que j’ai eu mon argent
Allez, j’vais pas t’retenir
Je sors de ton camion
T’as eu ton aventure
Remonte ton pantalon
Rattache ta ceinture »
Va rejoindre ta femme – Lynda Lemay
« Y’a des clients, y’a des salauds
Qui se trempent jamais dans l’eau
Faut pourtant qu’elles les cajolent
Parole, parole
Faut pourtant qu’elles les cajolent
Qu’elles leur fassent la courte-échelle
Pour monter au septième ciel
Les sous, croyez pas qu’elles les volent
Parole, parole
Les sous, croyez pas qu’elles les volent »
La complainte des filles de joie – Georges Brassens
« T’aimais pas un sous vaillant
Sauf ton corps
Mais ton corps c’était payant
Un trésor
Un trésor que tu donnais
Comme on vide son port’-monnaie
Dans la main d’un plus paumé
Ça va ça vient »
Ça va ça vient – Merlot
« A Amsterdam, il y a Dieu, il y a les dames.
J’ai vu les dames de mes yeux, j’ai pas vu Dieu à Amsterdam.
A Amsterdam, voici des pigeons qui s’enflamment
Devant les belles qui ruminent dans les vitrines à Amsterdam »
A Amsterdam – Guy Béart
« Parce que ma mère est tellement belle
Que les voisins font la queue
Pour coucher avec elle
Plutôt que de rentrer chez eux
Ils viennent claquer leurs salaires
Dans les bras de ma mère
Pour la douceur d’une caresse
Et la chaleur de ses fesses
Et tous mes copains
Qui me traitent de fils de putain
Sont jaloux, c’est certain,
Eux qui sont des fils de boudins »
Ma mère la pute – Monsieur Roux
« Mon blues a déjanté sur ton corps animal
Dans cette chambre où les nuits durent pas plus d’un quart d’heure
Juste après le péage assurer l’extra-ball
Et remettre à zéro l’aiguille sur le compteur.
Ton blues a dérapé sur mon corps de chacal
Dans cet hôtel paumé aux murs glacés d’ennui
Et pendant que le lit croise l’aéropostale
Tu me dis « Reprends ton fric. Aujourd’hui c’est gratuit »
Lorelei Sebasto Cha – Hubert-Félix Thiéfaine